Faits de société

Yes, Ireland!

IRELAND-ABORTION-REFERENDUM

L’Irlande est l’un de mes deux pays de cœur, celui où j’irais volontiers poser mes valises pendant quelques mois/années avant de partir pour les Etats-Unis. Cela étant, j’ai beau être éperdument amoureuse de ces deux pays, je n’en suis pas moins consciente de leurs défauts. J’ai le cœur qui saigne à chaque nouvelle fusillade dans un établissement scolaire américain et je soutiens tous ceux qui militent en faveur d’une nouvelle législation sur les armes à feu. De même que, vendredi dernier, j’étais suspendue à mon fil d’actualité et j’ai retenu mon souffle jusqu’à minuit en attendant le résultat du référendum irlandais sur l’avortement.

Le catholicisme pur et dur a fait de nombreuses victimes en Irlande. J’évoquerai rapidement, pour n’en citer que quelques-unes, les « Magdalene Laundries » immortalisées par Peter Mullan dans son film The Magdalene Sisters, les scandales de pédophilie ou encore la découverte d’un charnier dans un orphelinat tenu par des bonnes sœurs.  Et puis il y a la question de l’avortement, bien sûr. Depuis 1983 et l’adoption du 8e Amendement, l’avortement était strictement interdit en Irlande. Même en cas de viol et d’inceste. Même si le bébé souffrait de malformations. Il a même fallu attendre 2013, et la mort dramatique de Savita Halappanavar, une jeune femme de 31 ans, pour que la loi autorise les médecins à pratiquer une interruption de grossesse si la vie de la mère était en danger.

Personne ne s’étonnera, dans ces conditions, que le taux de participation au référendum ait été si élevé. La victoire du « Oui » était ardemment souhaitée, mais elle n’était pas acquise, si bien que des milliers d’Irlandais-es vivant à l’étranger sont rentré-e-s au pays pour voter. Certain-e-s même ont payé le billet d’avion à celles et ceux qui n’avaient pas les moyens de se l’offrir. J’admire cette détermination et cette solidarité, et j’en suis encore émue aujourd’hui.

Le droit d’une femme à disposer de son corps comme elle l’entend devrait être inaliénable. Honnêtement, je vous ai cité plus haut de nombreuses raisons d’abolir le 8e Amendement aux conséquences si néfastes, mais la principale raison est qu’une femme ne devrait pas avoir moins de droits qu’un fœtus. C’est un principe fondamental.

J’ai 37 ans. J’ai eu deux enfants, j’ai fait une fausse couche et j’ai avorté. Je peux témoigner aussi bien de la joie d’accueillir un bébé que du déchirement d’en perdre un. Tout comme je peux décrire le soulagement immense que j’ai éprouvé en interrompant une grossesse qui n’était pas désirée. Mon corps, mon expérience, mon choix. C’est aussi simple que ça. Et ça devrait toujours l’être.

Vendredi, à 66%, les Irlandais-es ont décidé qu’effectivement, une femme doit avoir le choix et que ce n’est ni à l’Etat, ni à l’Eglise, de décider de ce qui se passe dans son corps. A l’heure où le droit à l’avortement est menacé aux Etats-Unis, en Pologne et dans d’autres endroits du globe, c’est une belle victoire pour ce petit pays (qui n’en est décidément que plus cher à mon cœur), mais aussi et surtout pour les femmes en général.

9 commentaires sur “Yes, Ireland!

  1. Très bel article Isa, merci. En effet c’est une belle victoire mais ce qui est très inquiétant cr sont les regressions possibles sur ces questions qui menacent notamment les Etats-Unis ou la Pologne…belle fin de mardi !

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  2. C’est une immense victoire. Et j’espère qu’à l’avenir l’avortement sera accompagné ici et ailleurs comme le fait par exemple l’association AGAPA (http://association-agapa.fr/) au sein de laquelle l’une de mes cousines est accompagnatrice. Beaucoup pensent que c’est une facilité d’avorter sachant qu’il existe la contraception mais chaque histoire, chaque parcours de vie sont différents. L’avortement est une expérience que je n’ai pas vécu mais souvent il y a de la souffrance derrière. Ce n’est pas qu’une épreuve physique je pense, surtout lorsqu’il y avait un désir d’enfant et que cela ne se passe pas comme prévu pour de multiples raisons qui conduisent à prendre cette décision si difficile.

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    1. Je ne vais pas modérer ton commentaire, Sissi, parce que c’est important que les gens se rendent compte de ce qui se cache parfois derrière des propos qui se veulent bienveillants. Mais ce que tu écris s’inscrit pleinement dans la culture du traumatisme véhiculée par l’association dont tu parles. (http://www.slate.fr/story/142562/peur-droits-femmes-disposer-corps) Or, figure-toi que je vis très bien le fait d’avoir avorté. C’était, pour moi, pour ma vie telle que je désire la mener, la meilleure décision qui soit, et je ne culpabilise pas.
      Chacun-e a droit à son opinion. Tu as tout à fait le droit de penser que l’avortement implique – ou devrait impliquer – une souffrance morale. Mais personne n’a le droit d’ériger son opinion en vérité universelle. Aucune femme ayant pratiqué une IVG ne va venir dire à une autre qu’elle DOIT avorter. Arrêtons de vouloir imposer aux gens notre vision du monde et nos valeurs morales.

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  3. Tu le sais peut-être Isa mais l’Irlande est un pays cher à mon coeur aussi, j’y ai vécu près de 7 ans. Et j’ai vécu ça de l’intérieur quand Savita Halappanavar est décédée – j’attendais moi même mon fils. C’était très violent. Alors quand j’entends encore des personnes remettre en question l’avortement je sors de mes gonds car une fois de plus notre corps est la chose qui nous appartient, nous sommes mieux que quiconque ce qui est bon pour nous ou pas, religion ou pas religion.

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    1. J’ai appris ce matin au réveil que la Cour Suprême américaine s’apprête à annuler Roe vs. Wade et donc à laisser entièrement la question de l’avortement aux mains des politiciens, avec les conséquences que l’on connaît déjà. Je ne suis pas étonnée, mais je suis lasse qu’au lieu d’avancer vers plus de progrès et d’égalité, on revienne toujours en arrière. Si nous sommes obligées de nous battre pour récupérer des droits acquis puis perdus, comment espérer aller vers du mieux ?

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