En tant qu’oeuvre de fiction, « American Dirt » est un excellent thriller qu’on a bien du mal à lâcher. Les pages défilent toutes seules, et je n’oublierai pas de sitôt ses personnages, Lydia, Luca, Soledad, Rebeca et les autres. Je me suis attachée à eux, j’ai eu mal pour eux et j’ai retenu mon souffle pendant une bonne partie de ma lecture.
Cependant, je suis consciente que ce roman a été extrêmement critiqué par la communauté hispanique, qui l’accuse de perpétuer de dangereux clichés sur les migrants. Je vais donc m’instruire sur le sujet car je ne connais pas suffisamment la situation au Mexique et dans les autres pays d’Amérique centrale et latine pour réellement appréhender et identifier ces clichés, ce qui me gêne profondément.
D’autant plus que l’histoire de Lydia, qui fait tout pour sauver son fils, Luca, a ravivé la rage et la consternation que j’ai ressenties en apprenant que les enfants migrants étaient arrachés à leurs parents à la frontière mexicaine et qu’ils étaient détenus aux USA dans des conditions terribles pendant qu’on renvoyait leurs parents chez eux. Je ne comprends pas qu’on puisse traiter des êtres humains de cette façon. Je ne peux pas l’accepter. Et c’est déjà, en soi, une raison suffisante pour écrire un livre mettant en lumière cette tragédie.
Mais l’autrice, Jeanine Cummins, a expliqué qu’elle avait elle-même épousé un migrant sans-papier et que c’était l’une des raisons qui l’avaient poussée à écrire « American Dirt ». Le seul problème, c’est qu’elle omet de préciser, dans sa postface, que son mari est irlandais. On ne sait pas dans quelles circonstances il a quitté son pays, mais j’ai du mal à croire qu’il aurait affronté les mêmes dangers que les migrants hispaniques si les agents de l’immigration l’avaient renvoyé en Irlande. Cette justification est donc pour le moins maladroite. Et ça ne s’arrête pas là.
Lors d’un dîner organisé en l’honneur du livre, il y avait sur la table, en guise de vases, des blocs de ciment décorés de fils barbelés, comme si les obstacles censés empêcher les migrants de passer la frontière pouvaient devenir une décoration. Toujours dans le cadre de la promotion de son livre, l’autrice s’est fait faire une manucure reprenant l’illustration de couverture, dont, là encore, le fil barbelé. Et il ne fallait pas y voir un acte militant puisqu’elle a posté une photo en s’extasiant sur le fait que c’était « joli ». Honnêtement, je ne comprends pas comment on peut écrire un livre pareil et ensuite faire preuve d’une telle insensibilité. Voilà pourquoi, même si j’ai apprécié ma lecture, je ne peux pas, eu égard au contexte et à la controverse, recommander « American Dirt » à d’autres lecteurs.
Pour conclure, voici quelques articles qui m’ont aidée à me faire un avis :
« White Fever Dreams, the distortion of black and brown lives in the white imagination »
« Commentary: ‘American Dirt’ is what happens when Latinos are shut out of the book industry »
« ‘Writing my Latino novel’: Satirical reactions to ‘American Dirt’ flood Twitter »
Oprah’s new book club pick is fueling a debate. It’s not just about the story. It’s who’s telling it
C’est choquant. On pourrait douter de sa sincérité et croire que ce livre est fabriqué froidement, un pur produit de marketing. La vitrine de chez Foyles, à Charing cross road, est tapissée d’affiches de ce livre. J’ai pensé à toi en passant devant!
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Ce qui est sûr, c’est qu’il y a une grosse machine marketing derrière le livre. Je t’avoue que je n’arrive pas à réconcilier l’empathie du texte pour les migrants avec l’insouciance affichée par l’autrice…
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Je viens de voir un documentaire sur John Steinbeck sur Arte… et sur l’arrivée des migrants en Californie… c’est toujours actuel. Et quel homme ! Le documentaire est encore quelques jours en replay. Ça donne envie de relire ses magnifiques livres.
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Oui, c’est toujours d’actualité, malheureusement. J’ai lu « Les raisins de la colère » il y a très longtemps, mais j’en garde le souvenir d’un livre fort, que j’étais probablement trop jeune pour apprécier. Je devrais le relire en anglais.
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