
Qu’elles vendent des grimoires sur Etsy, postent des photos de leur autel orné de cristaux sur Instagram ou se rassemblent pour jeter des sorts à Donald Trump, les sorcières sont partout. Davantage encore que leurs aînées des années 1970, les féministes actuelles semblent hantées par cette figure. La sorcière est à la fois la victime absolue, celle pour qui on réclame justice, et la rebelle obstinée, insaisissable. Mais qui étaient au juste celles qui, dans l’Europe de la Renaissance, ont été accusées de sorcellerie ? Quels types de femme ces siècles de terreur ont-ils censurés, éliminés, réprimés ? Ce livre en explore trois et examine ce qu’il en reste aujourd’hui, dans nos préjugés et nos représentations : la femme indépendante – puisque les veuves et les célibataires furent particulièrement visées ; la femme sans enfant – puisque l’époque des chasses a marqué la fin de la tolérance pour celles qui prétendaient contrôler leur fécondité ; et la femme âgée – devenue, et restée depuis, un objet d’horreur. Enfin, il sera aussi question de la vision du monde que la traque des sorcières a servi à promouvoir, du rapport guerrier qui s’est développé alors tant à l’égard des femmes que de la nature : une double malédiction qui reste à lever.
Ce que j’ai trouvé de plus intéressant dans ce livre, c’est la manière dont Mona Chollet relie les points épars de notre histoire et montre que les chasses aux sorcières ne sont pas des incidents isolés et l’œuvre de quelques fanatiques désœuvrés, mais bien une entreprise délibérée et systématique pour asservir les femmes et leur ôter tout pouvoir. Que nos poitrines ou nos fesses affichées sur les abribus ne soient que les symptômes visibles d’un mal (mâle ?) visant à nous réduire au rang d’objet, ça, on le savait déjà ; que les racines profondes de ce mal remontent aussi loin dans le temps, franchement, je crois que même moi je n’en avais pas conscience.
J’ai été fascinée que l’autrice fasse le lien entre l’asservissement de la femme et celui de la nature. Je n’avais jamais vu les choses de cette façon, mais c’est vrai que ça participe du même élan : dompter les forces primitives et intuitives afin d’instaurer le règne de la raison et favoriser l’essor du capitalisme. Et tant pis si la course au progrès débouche sur l’urgence écologique que l’on connaît aujourd’hui. Ceux qui bénéficient de ce système s’accrochent à leurs privilèges comme des enfants capricieux à qui l’on demande de partager leurs affaires. Sauf que ces privilèges ont été obtenus dans le sang, et que le sang, celui des femmes, des personnes racisées et de leur allié.e.s continue de couler encore aujourd’hui. Dire que notre monde ne va vraiment pas bien serait un euphémisme. Sorcières nous rappelle que l’origine du problème ne date pas d’hier.
J’avais beaucoup entendu parler de ce livre et, malgré cela, j’ai été étonnée de le trouver aussi passionnant et facile d’accès. Oui, c’est un essai, mais il n’est jamais pompeux ou ennuyeux. Au contraire, en explorant les outils qui ont servi à aliéner les femmes (la maternité et la course à la jeunesse éternelle, entre autres) et les causes de la situation actuelle, Sorcières met des mots limpides sur la colère des femmes, et c’est ce qui en fait une lecture absolument nécessaire.
La lecture de ce livre me permet de valider une des catégories du Cold Winter Challenge 2020, « Reine des neiges », dans le menu « Hiver mystérieux », pour laquelle il fallait lire un livre parlant de femmes de pouvoir, de féminisme et/ou de sorcières.
Ce livre m’avait passionnée ! et je trouve qu’il y a de plus en plus d’essais intéressants tout en étant agréables à lire.
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Tu as raison ! Le truc, c’est qu’en ce moment, j’ai plus besoin de me changer les idées. J’ai adoré lire « Sorcières », mais clairement ce n’est pas ce qui m’a redonné le moral…
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justement, moi ça m’avait donné le moral et pas mal d’énergie: le fait que certaines choses dont je n’avais que vaguement conscience étaient reconnues, écrites noir sur blanc ! Je trouve que c’est déjà un grand pas.
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Je suis d’accord, c’est une étape importante.
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