
Marketa et Clovis, amoureux fous, attendent un bébé. Mais l’accouchement signe la fin du conte de fées. La naissance de Zoé ne s’est pas passée comme Marketa l’imaginait, et l’instinct maternel tarde à se manifester. Tandis qu’elle ne reconnaît plus son corps, Marketa se sent perdre pied face à ce bébé si vulnérable dont elle a désormais la responsabilité. Réussira-t-elle à se sentir mère ? à aimer son bébé ? à cesser de penser qu’une remplaçante ferait mieux qu’elle ?
D’après les chiffres que j’ai pu trouver sur le Net, la dépression du post-partum surviendrait chez 10 à 15% des femmes après un accouchement. Pourtant, ça reste encore une maladie peu connue et très mal prise en charge. En ce qui me concerne, il y a 16 ans, je n’ai pas du tout été diagnostiquée ; on m’a renvoyée à la maison avec mon bébé alors que j’allais très mal et c’est de moi-même, au bout de 9 mois d’enfer, que j’ai entamé une psychothérapie.
C’est dire si j’ai été émue en lisant le roman graphique de Sophie Adriansen et Mathou. Je me suis reconnue dans chacune des situations évoquées, ou presque. Si, dans la BD, le calvaire de Marketa commence avant l’accouchement avec de violentes douleurs plus de 15 jours avant la naissance de sa fille, le mien a commencé dans les heures qui ont suivi l’arrivée de ma demoiselle, alors que, jusqu’aux premières contractions, j’étais sur un petit nuage. Mais le réveil brutal et douloureux fut le même que celui de l’héroïne. Moi aussi, je ne supportais pas d’être constamment sollicitée et de n’avoir plus aucun espace pour moi. Moi aussi, je me sentais le ventre vide alors même que j’avais mon bébé dans les bras. Moi aussi, quand mon ex-mari se levait la nuit pour s’occuper de notre fille, je restais éveillée en culpabilisant de ne pas faire plus et de ne pas faire mieux. Jamais je n’aurais fait du mal à ce petit être que j’aimais désespérément (un amour dont l’évidence m’est apparue plus tard, sur le moment, je ne ressentais rien, j’étais comme anesthésiée), mais moi aussi, j’ai hésité à partir, à la laisser à son papa qui s’en sortait si bien alors que moi, j’étais tellement nulle.
La Remplaçante est à mettre entre les mains de toutes les femmes qui se torturent en pensant avoir fait la plus grande erreur de leur vie. Bien sûr, dans la vraie vie, l’histoire ne se termine pas toujours aussi bien que pour l’héroïne de la BD ou pour moi – et, d’ailleurs, ça se termine peut-être un peu trop facilement pour Marketa, on ne comprend pas forcément pourquoi elle a le déclic. Moi, il a fallu que je démêle plein de sacs de nœuds en thérapie pour commencer à me sentir à l’aise dans ma maternité. Mais ce roman graphique a le mérite de montrer clairement que l’instinct maternel n’existe pas. On ne naît pas mère, on le devient, et parfois ça prend du temps. (Parfois, aussi, ça ne vient pas, et j’ai une immense compassion pour les femmes qui sont dans ce cas-là.)
Mais La Remplaçante est aussi à mettre entre les mains de tou.te.s les soignant.e.s qui s’occupent des femmes avant, pendant et après leur accouchement. Ce n’est pas normal qu’en 2021, cette immense souffrance passe autant inaperçue. Il est grand temps, comme le soulignent les deux autrices, qu’on se préoccupe davantage de l’accouchée pour qu’elle cesse de disparaître derrière l’enfant qu’elle vient de mettre au monde. Et il faut arrêter de penser qu’elle est capable de tout faire toute seule au bout de quatre jours, à la sortie de la maternité, ou à la fin du congé parental de son conjoint. Il faut tout un village pour élever un enfant, dit un proverbe anglais, et c’est douloureusement vrai.
Pour conclure, vous l’aurez compris, je vous encourage vivement à lire La Remplaçante et à le faire lire autour de vous pour sensibiliser le plus de monde possible à cette maladie qu’est la dépression du post-partum. Et je remercie les autrices d’avoir mis en mots et en images cette histoire qui est aussi la mienne. J’ai désormais, et depuis longtemps, une relation formidable avec ma fille, mais ce n’est pas toujours facile d’expliquer simplement une expérience aussi complexe, et je sais que ce livre m’y aidera quand le besoin s’en fera sentir.
Sur le plus ou moins même sujet, même si ça n’en a pas l’air au départ, je te conseille le dernier roman de David Vann, « Komodo ». Sauf qu’ici, les enfants ont déjà 5 ans. J’en parlerai bientôt sur mon blog.
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Je note et j’ai hâte de lire ton avis !
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Je suis tellement d’accord avec toi, ce n’est pas normal que les soignants soient si peu à l’écoute de cette terrible souffrance. J’étais tellement désemparée, tellement seule, tellement honteuse.
Je vais essayer de le trouver. Je crois que même aujourd’hui cela fera du bien de le lire.
Merci
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Cette souffrance et cette honte qui l’accompagne sont tellement délétères alors que la souffrance pourrait être prise en charge et la honte évitée, c’est terrible !
Et si tu es comme moi, je pense que ça te fera effectivement beaucoup de bien de lire ce roman graphique, même des années après.
Je t’embrasse ❤
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Je ne suis pas concernée directement par le sujet (n’ayant pas et ne souhaitant pas avoir d’enfant), mais je trouve génial que ce genre de livre existe. Et j’ai beaucoup apprécié la manière dont tu mêles ton avis de lectrice à ton expérience personnelle.
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Merci ❤
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Je suis tellement d’accord avec toi concernant toutes ces choses que le monde médical met sous le tapis comme si cela était inexistant. C’est triste…
Bisous
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Oui, c’est triste, mais je crois que c’est aussi criminel quelque part. Si le monde médical nous abandonne à notre détresse, que reste-t-il ? (Plein de solutions, heureusement, mais sur le moment tu te sens tellement seul.e… Je sais que tu sais ce que c’est.)
Bisous ❤
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