
Yorkshire, 1845. Une jeune femme disparaît, laissant derrière elle deux enfants en bas âge et une mare de sang. Quand les filles d’un humble pasteur des environs apprennent la nouvelle, elles sont horrifiées. Les sœurs Brontë décident aussitôt de mener l’enquête pour faire toute la lumière sur les circonstances de ce drame. Charlotte, Emily et Anne ne manquent ni d’esprit ni d’énergie ; pourquoi ne pas s’improviser détectives ? Mais dans cette société rétrograde où on considère que la place d’une femme est au foyer, on voit d’un mauvais œil ces « dames-détectives » qui arpentent la lande en quête d’indices. Qu’à cela ne tienne, les sœurs Brontë sont prêtes à braver tous les dangers pour découvrir ce qui est arrivé à la mariée disparue…
Transformer les célèbres sœurs Brontë en détectives ? L’idée me plaisait autant qu’elle m’intriguait, mais je ne m’attendais pas à aimer autant cette lecture ! Lecture que j’ai cependant mise en pause dès le premier chapitre, le temps de consulter les pages Wikipédia consacrées à Charlotte, Emily et Anne, car j’ai très vite pressenti que ce roman était un vibrant hommage aux trois sœurs et à leurs œuvres. Or, si j’ai lu et adoré Jane Eyre, dévoré en une nuit alors que j’étais au collège, je connais très mal Les Hauts de Hurlevent (je me souviens vaguement d’avoir lu un extrait d’une adaptation BD qui ne m’avait pas tentée plus que ça) et je ne connais pas du tout Agnes Grey et La Recluse de Wildfell Hall. J’ai donc comblé partiellement ces lacunes en me renseignant sur la vie des sœurs et la teneur de leurs romans et je m’en félicite car cette recherche rapide (ça ne m’a pas pris plus d’une demi-heure) m’a permis d’apprécier La Mariée disparue à sa juste valeur.
En effet, c’est fascinant de voir ces jeunes femmes que l’on connaît tou.te.s au moins de nom prendre vie sous nos yeux, l’autoritaire Charlotte qui se languit d’amour pour un homme marié, l’indomptable Emily plus à l’aise dans la nature et avec les animaux que parmi les humains et la jeune Anne qui est la douceur incarnée. Bella Ellis puise habilement dans la biographie des sœurs ainsi que dans leur bibliographie pour composer le portrait nuancé et saisissant de trois femmes remarquables qui utilisent leur imagination débordante pour échapper au carcan de leur condition. J’ai particulièrement apprécié un chapitre où Emily s’en va se promener de nuit sur la lande, sans jupon et sans bonnet, et s’enivre autant de la beauté du paysage que de sa propre liberté. J’ai beaucoup aimé aussi la dynamique des relations entre les trois sœurs, leur évidente complicité, leurs inévitables chamailleries (quoi de plus normal, avec des caractères aussi différents) et la profonde affection qui les unit.
Pour aider une amie, qui s’occupe des enfants de la mariée disparue, les trois sœurs décident de mener l’enquête et ne tardent pas à découvrir que le mari éploré est un individu violent dont la première épouse s’est suicidée. Tout en décrivant à merveille la société de l’époque, ce livre traite avec force et modernité la question du féminicide. C’est aussi un véritable roman gothique avec du sang, des apparitions et des scènes macabres qui illustrent parfaitement la folie, ce qui en fait une lecture idéale en cette période automnale post-Halloween !
« Mais si souvent, une vie de femme se terminait ainsi, abruptement et dans la violence. De plus, la femme qui avait disparu n’avait pas de voix pour crier et bien peu de recours en justice ; c’était encore une vie sacrifiable que l’on avait soufflée comme la flamme d’une bougie, comme si c’était là l’ordre normal des choses. »
Ce qui m’a le plus séduit, je crois, alors même que je connais mal les écrits d’Anne et d’Emily, comme je le disais plus haut, c’est de voir comment, si cette affaire avait réellement eu lieu, elle aurait pu nourrir leur imaginaire et donc leur œuvre. J’ai au moins pu relever les clins d’œil à Jane Eyre, tant dans la personnalité de Charlotte qu’au niveau de l’intrigue ; or, j’ai toujours aimé les histoires qui racontent comment un.e auteur.ice s’inspire de ses propres expériences pour écrire. (Ce n’est pas pour rien que Shakespeare In Love est l’un de mes films préférés !) Même si ce n’est pas l’essentiel de son propos, La Mariée disparue est aussi un roman qui parle de créativité et de création et qui m’a donné envie de me plonger dans Les Hauts de Hurlevent et Agnès Grey.
Cela étant, je pense qu’on peut aussi apprécier cette lecture sans rien connaître aux sœurs Brontë ! Certes, cet aspect-là donne au roman un supplément d’âme, mais si on fait abstraction du fait qu’il s’agit de personnes ayant réellement existé, on a une intrigue très bien ficelée, des personnages intéressants et attachants et une atmosphère envoûtante, autant de qualités qui se suffisent à elles-mêmes.
Vous l’aurez compris, j’ai a-do-ré cette première enquête des sœurs Brontë et je me réjouis de savoir qu’il en existe deux autres, la publication de la quatrième étant prévue pour le mois de janvier au Royaume-Uni. Je crois que je n’ai pas fini d’arpenter la lande en compagnie d’Emily, d’Anne et de Charlotte et j’espère vous avoir convaincu.e.s de venir vous promener avec nous !
Cette lecture me permet de valider la catégorie « Sois vent, rêve, cendres et néant / Sois nuit, noir, âme et souhait », dans le menu « Automne de l’étrange » du Pumpkin Autumn Challenge 2022 car elle correspond parfaitement aux mots-clé « gothique », « macabre » et « disparition ». Elle me permet aussi de cocher la case « Meurtre à la maison » du bingo du Challenge British Mysteries.
Ravi de lire que cette première incursion au sein de cette série à l’univers séduisant t’ait convaincu. Les suites sont encore plus savoureuses et il me tarde de retrouver nos apprenties enquêtrices !
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Génial ! Des fois, les suites, ça fait un peu peur, ça peut être moins bon, mais si tu me dis qu’elles sont encore plus savoureuses, alors je vais me régaler !
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Le roman est dans ma wish list et ton avis me donne encore plus envie de lire ce roman qui semble avoir beaucoup d’atouts. J’aime beaucoup le fait qu’il y ait des clins d’oeil et cette relation sororale qui a l’air très belle. Quant à l’ambiance gothique, c’est quelque chose que j’adore !
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Alors je pense que tu vas te régaler 🙂
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Jolie découverte Isabelle, en te lisant j’ai cherché également sur Wikipédia qui étaient ces trois sœurs.
Je t’avoue que ce n’est pas le style de lecture qui m’attire mais tu écris tellement bien à son sujet que forcément je suis influencée ah ah !
Tu es extrêmement douée avec les mots !
Je t’embrasse très fort !
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Merci Sand, ça fait toujours plaisir 🙂 Moi aussi, je t’embrasse fort !
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❤️❤️❤️❤️
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Celui-là je sens qu’il va beaucoup me plaire !
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Alors je te souhaite de passer un chouette moment en compagnie des sœurs Brontë !
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Hello Isa,
Tu m’as donné envie de découvrir ou re-découvrir les Soeurs Brontë!
Merci et belle semaine
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