Culture

[Coup de cœur lecture] Alicia Jaraba – Celle qui parle

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La Malinche est certainement l’un des personnages les plus controversés de l’histoire du Mexique. Née au sein d’une famille noble, elle est offerte, en 1519, aux Espagnols. Sa connaissance des langues náhuatl et maya chontal la destine à devenir un élément clé dans les espoirs de conquête des conquistadors d’Hernan Cortes. Mais qui était-elle en réalité et pourquoi a-t-elle exercé ce rôle d’interprète, de guide et d’informatrice ? Était-elle vraiment « du côté » des Espagnols, étrangère entourée d’étrangers, intermédiaire entre deux cultures probablement irréconciliables ? Au-delà de la légende, voici l’histoire de La Malinche vivante, jeune, inexpérimentée, souvent dépassée par les événements, mais avant tout, humaine.

Une fois n’est pas coutume, les mots me manquent pour vous parler d’un coup de cœur. Cela fait une heure que j’écris puis que j’efface mes phrases sans trouver par quel bout prendre cette chronique. Il faut dire que ce n’est pas évident de passer derrière un tel résumé, car tout est dit, ou presque. Oui, j’ai aimé ce roman graphique parce que c’est le portrait nuancé d’une (très jeune) femme qui se retrouve par hasard à la croisée de deux civilisations. Ballottée par les événements, martyrisée par les hommes, elle essaie simplement de survivre, mais ses talents de linguiste (malgré elle) vont l’amener à jouer un rôle qui dépasse largement sa condition d’esclave. Rien que pour ça, rien que pour ce bouleversant destin de femme, Celle qui parle vaut vraiment le détour.

Mais je ne m’attendais pas à ce que ce récit aborde la question de la traduction de manière aussi juste. Avant d’acquérir une certaine influence, Malinalli n’est qu’une intermédiaire, une passeuse de mots. D’une certaine manière, elle n’existe pas, elle s’efface derrière les propos qu’on lui fait traduire, même si ceux-ci la révoltent. Dans une moindre mesure, je me suis reconnue en elle à ce moment-là, car il m’est déjà arrivé de traduire des idées sur lesquelles j’étais en parfait désaccord avec leurs auteur.ice.s. Mais, bien entendu, dans le cas de Malinalli, cela prend une toute autre ampleur, une toute autre dimension.  Les conséquences sont dramatiques.

Alors, elle se rend compte qu’elle peut se servir de ces mêmes mots pour tenter de bâtir des ponts entre des gens qui ne se comprennent pas. J’ai beaucoup aimé la manière dont elle parvient à cette conclusion ; il m’a semblé que cela faisait écho, au-delà du cadre historique, au monde hyper polarisé dans lequel nous vivons. C’est tellement tentant, à l’heure actuelle, notamment sur les réseaux sociaux, de tirer un trait sur les gens dont le comportement nous dérange, c’est tellement facile d’évoluer dans une espèce de chambre d’écho où tous ceux que nous côtoyons confirment nos biais ; le choix de Malinalli, vers la fin de cette histoire, c’est celui que j’aimerais être capable de faire plus souvent dans la vraie vie : aller chercher l’humanité chez l’autre, au-delà de ce qui nous révolte, pour essayer de rétablir le dialogue.

Alors, la Malinche a-t-elle trahi les peuples autochtones du Mexique ou a-t-elle permis de limiter les massacres et de sauver des vies ? Nous ne le saurons jamais, mais j’ai vraiment beaucoup aimé la réponse nuancée que Celle qui parle tente d’apporter à cette question.

Cette lecture me permet de valider la catégorie « You cannot eat the money » dans le menu « Automne rayonnant » du Pumpkin Autumn Challenge 2022. J’ai jugé que le nom de cette catégorie était une réponse parfaite à la cupidité des conquistadors…

11 commentaires sur “[Coup de cœur lecture] Alicia Jaraba – Celle qui parle

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