[Coup de cœur lecture] Katherine Arden – L’Ours et le Rossignol

Au plus froid de l’hiver, Vassia adore par-dessus tout écouter, avec ses frères et sa sœur, les contes de Dounia, la vieille servante. Et plus particulièrement celui de Gel, ou Morozko, le démon aux yeux bleus, le roi de l’hiver. Mais, pour Vassia, ces histoires sont bien plus que cela. En effet, elle est la seule de la fratrie à voir les esprits protecteurs de la maison, à entendre l’appel insistant des sombres forces nichées au plus profond de la forêt. Ce qui n’est pas du goût de la nouvelle femme de son père, dévote acharnée, bien décidée à éradiquer de son foyer les superstitions ancestrales.

Je vous parle souvent de ces livres qui font l’unanimité lors des challenges littéraires auxquels je participe. Or, s’il y a bien un titre qui revient sur toutes les lèvres chaque année, notamment lors du CWC, c’est L’Ours et le Rossignol de Katherine Arden. Maintenant que j’ai enfin lu ce conte envoûtant, je comprends tout à fait pourquoi.

C’est donc l’histoire de Vassia, fille et petite-fille de femmes que l’on dit un peu (beaucoup) sorcières. Très proche de la nature et de toutes les créatures vivantes, notamment les chevaux ou les esprits qui peuplent son foyer et la forêt toute proche, elle ne comprend pas pourquoi les anciennes traditions ne pourraient pas continuer à vivre en paix avec la foi chrétienne. Mais voilà que son père se remarie avec une femme qui voit les esprits, exactement comme Vassia, sauf qu’elle les prend pour des démons qu’il faut craindre et chasser. Sans le savoir, en cédant à la peur, cette femme va faire basculer le fragile équilibre entre l’ancien monde et le nouveau et mettre en péril sa famille et tout le village…

J’ai d’autant plus apprécié cette plongée dans le folklore russe qu’elle s’appuie sur des bases historiques solides. En effet, le récit se déroule dans la Russie du 14e siècle, et je reconnais m’être régalée en surfant sur la page Wikipédia des personnages ayant réellement existé. (Oui, je suis une history nerd.) Bien sûr, l’autrice fait la part belle aux personnages qu’elle a inventés, mais elle ancre son intrigue dans un contexte politique et religieux tourmenté qui lui donne encore plus d’épaisseur. Les pages défilent toutes seules, et ce qui commençait comme un roman historique bascule de plus en plus dans le merveilleux, avec tout ce qu’il peut avoir de cruel et de violent. Il est beaucoup question de tolérance, d’injustice et de la place de la femme dans un monde gouverné par et pour les hommes. Forcément, je ne pouvais que succomber au charme de cette histoire et je l’ai lue avec délice au coin du feu, pendant que le mistral qui secouait la maison faisait écho au vent hurlant entre les sapins de Lesnaïa Zemlia.

L’hiver prochain, c’est sûr, je me précipiterai sur la suite des aventures de Vassia. Mais j’apprécie que ce premier tome puisse se lire indépendamment des deux autres et nous présente une histoire complète, quoi qu’avec une fin ouverte. Dans le cadre d’une trilogie, c’est suffisamment rare pour être signalé. J’ajouterai, pour finir, que le para-historique est décidément ce que je préfère en fantasy ; je recommande L’Ours et le Rossignol à tous ceux qui, comme moi, vénèrent le maître du genre, à savoir Guy Gavriel Kay. Et je remercie Katherine Arden de m’avoir offert mon premier coup de cœur de l’année !

Note : 5/5

Cette lecture me permet de valider la catégorie « Vive le vent » dans le menu « Marcher dans la neige » du Cold Winter Challenge 2022-2023 parce qu’elle correspond parfaitement aux mots-clé « hiver » et « pays froid ».