Culture

[Coup de cœur lecture] Madeline Miller – Circé

Hélios, dieu du soleil, a une fille : Circé. Elle ne possède ni les pouvoirs exceptionnels de son père, ni le charme envoûtant de sa mère mais elle se découvre pourtant un don : la sorcellerie, les poisons et la capacité à transformer ses ennemis en créatures monstrueuses. Peu à peu, même les dieux la redoutent. Son père lui ordonne de s’exiler sur une île déserte sur laquelle elle développe des rites occultes et croisent tous les personnages importants de la mythologie : le minotaure, Icare, Médée et Ulysse… Mais cette existence de femme indépendante et dangereuse inquiète les dieux et effraie les hommes. Pour sauver ce qu’elle a de plus cher à ses yeux, Circé doit choisir entre ces deux mondes : les dieux dont elle descend, les mortels qu’elle a appris à aimer.

Permettez-moi de commencer cette chronique par une petite digression. Avant de vous parler de Circé j’aimerais vous parler du roi Arthur. (Ne vous inquiétez pas, vous allez vite comprendre.)

J’ai découvert le mythe arthurien par le biais de sa réécriture féministe, Les Dames du Lac de Marion Zimmer Bradley. Si cette autrice a aujourd’hui triste réputation, et pour cause, elle m’a néanmoins permis de comprendre, alors que je n’avais que 11 ans, à quel point la figure féminine a pu être diabolisée dans la littérature. En réhabilitant la fée Morgane, qui reste l’une de mes héroïnes préférées de tous les temps, elle m’a fait prendre conscience de l’existence du patriarcat. Je ne peux donc qu’avoir un immense coup de cœur pour ce Circé qui fait la même chose avec l’un des personnages les plus décriés de la mythologie grecque.

En refermant ce roman, j’ai eu envie de me plonger directement dans le Sorcières de Mona Chollet qui m’apparaissait comme une suite logique de cette lecture. C’est d’ailleurs ce qui m’a permis de mesurer à quel point j’ai aimé Circé. Quand on se rend compte combien la haine et les violences envers les femmes ont été encouragées et systématisées depuis le 15ème siècle, on se dit qu’il est grand temps en effet de réhabiliter ces grandes figures féminines dont on a voulu nous faire croire qu’elles étaient mauvaises.

Circé n’est pas mauvaise. Elle est curieuse, têtue, impulsive par moments et trop crédule parfois (ce qui va lui coûter cher), mais elle n’est pas là pour faire le mal, bien au contraire. Sacrifiée sur l’autel de la paix qu’il faut à tout prix préserver entre les Titans et les dieux de l’Olympe, elle va se forger, malgré l’exil, une existence qui lui ressemble et qui la comble. Au passage, parce que l’éternité est longue, les humains voyageurs et les dieux fantasques, elle va faire de nombreuses rencontres, pas toujours très heureuses, qui vont lui permettre d’infléchir son destin.

Même si j’avais très envie de le lire, je me méfiais un peu de ce Circé car l’argument féministe, s’il peut porter une histoire, n’est pas pour autant un gage de réussite. Et si j’ai dévoré de nombreux récits sur la mythologie grecque quand j’étais ado, j’ai vite arrêté d’en lire à cause du style parfois pompeux et manquant souvent de profondeur. Les mythes eux-mêmes me fascinaient, la manière de les raconter beaucoup moins. Or, Madeline Miller revisite ces mythes par le biais d’une écriture moderne qui m’a beaucoup plu. Vous l’aurez compris, Circé est un grand roman et mon premier coup de cœur de l’année !

La lecture de ce livre me permet de valider une des catégories du Cold Winter Challenge 2020, « New year, new me », dans le menu « Hiver mystérieux ». Il fallait lire un roman parlant de métamorphose, de transformation et/ou d’évolution. Compte tenu des pouvoirs de Circé et de sa trajectoire, nous sommes en plein dedans !

11 commentaires sur “[Coup de cœur lecture] Madeline Miller – Circé

  1. Oh mince, j’ignorais tout de ce côté sombre de Marion Zimmer Bradley (et zut alors, j’adore les Dames du Lac)

    Il faut que j’arrête de lire tes chroniques livresques, c’est fréquent que tu me donnes envie de lire le livre dont tu parles 😉

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    1. Oui, je suis tombée des nues quand j’ai appris ça, c’est pour ça que maintenant je le signale à chaque fois que j’en parle, parce qu’il faut que ça se sache !

      Et je ne veux pas en rajouter mais je suis persuadée que Circé te plairait 😉

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  2. Bonjour Isa, mon mémoire de maîtrise portait sur le cycle arthurien. Une de mes premières visites hors de Londres fut à Winchester pour y admirer la Table ronde (qui date des Tudors en fait). C’est assez spectaculaire! J’aimerais aller à Tintagel visiter les ruines du château du Roi Arthur. J’avais choisi ce sujet, bizarrement, en lisant un livre de John Steinbeck « The Acts of King Arthur and his noble Knights », et après la sortie de Holy Grail des Monty Python, exceptionnellement en VO dans ma bonne petite ville de province. C’est génial que ce mythe se perpétue aujourd’hui.

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    1. Je ne sais pas si le mythe d’Arthur se perpétue encore aujourd’hui, « Les Dames du Lac » (« Mists of Avalon » en VO) ont plus de 40 ans, et j’ai l’impression qu’on parle un peu moins des chevaliers de la Table ronde aux enfants. Mais ça a clairement marqué mon adolescence !

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