Culture

[Coup de cœur lecture] Jacky Durand – Marguerite

Ce roman, c’est d’abord l’histoire d’un heureux hasard. Une librairie que j’adore propose à la vente de jolis paquets cadeaux dans lesquels sont glissés des livres mystères. Cela fait des années que je lis les petits descriptifs mais que j’hésite par peur d’être déçue. Dernièrement, j’ai fini par me laisser tenter et j’ai jeté mon dévolu sur ce qui semblait être un poche plutôt mince (histoire de minimiser les risques). J’étais loin de me douter, en ôtant le papier et en découvrant ce que je croyais être un énième roman sur l’Occupation, que la pépite de la libraire allait se transformer en coup de cœur pour moi…

Août 1939. Marguerite est à son bonheur, son mariage avec Pierre, son amour de jeunesse. Un mois de lune de miel dans leur petite maison de l’est de la France. Puis Pierre est mobilisé. La France est occupée. Marguerite va devoir affronter la solitude, la dureté d’un monde de plus en plus hostile, mais aussi découvrir sa propre force, l’amitié, les émotions qui l’agitent. Au contact de Raymonde, la postière libérée des contraintes sociales, d’André, le jeune Gitan qu’elle protège, ou encore de Franz, un soldat allemand plein d’humanité, elle devient peu à peu maîtresse de sa vie, de son corps et de ses sentiments.

Autant vous le dire tout de suite, je crois que Marguerite est l’un des plus beaux romans que j’ai jamais lus sur cette période. J’avais quelques a priori, pourtant, car on en a tellement vu et lu, des histoires de vaillants résistants, de méchants nazis et d’amours interdites entre des Françaises et des Allemands ! Mais Jacky Durand joue habilement avec nos attentes ; après un premier chapitre coup de poing, il réussit l’exploit de réduire la guerre, pourtant omniprésente, à un simple bruit de fond.

Ce qui l’intéresse, c’est le quotidien de son héroïne. Jour après jour, année après année, il nous raconte, le jardin et la maison qu’il faut entretenir, les tâches physiquement pénibles qu’il faut apprendre en l’absence des hommes et le travail qu’il faut trouver à côté pour garder un toit au-dessus de la tête.

Il nous livre aussi les émotions de Marguerite, l’amour, le désir, l’attente, la découverte de l’autonomie… C’est l’histoire d’une transformation, c’est vrai, mais cette transformation a lieu au prix d’une solitude admirablement décrite : Raymonde lui avait répété : « Promets-moi que tu prendras soin de toi. » Marguerite avait serré ses mains en jurant, même si, au fond d’elle, elle ne voyait pas l’intérêt de se faire du bien dans sa solitude, quand il n’y a personne pour simplement vous regarder vivre.

J’ai adoré l’écriture, à la fois familière et d’une tendresse incroyable pour les personnages. J’ai été touchée que Marguerite, au lieu de prendre activement part au conflit, ne soit qu’une femme ordinaire, un simple témoin de son temps. Et j’ai frémi en lisant cette phrase qui m’a immédiatement renvoyée au drame ukrainien : En ce temps-là, elle ne croyait pas à cette guerre, à ces bruits de bottes que l’on entendait à la radio. Les gouvernants allaient bien finir par s’arranger et mater ce nabot allemand énervé. (Il aurait fallu lui dire, à Marguerite, que les gouvernants ne se soucient pas des gens comme nous, car nous ne sommes que des pions sur leur échiquier…)

Vous l’aurez compris, je vous recommande vivement ce très beau portrait de femme et je remercie la librairie Les Trois Souhaits à Morteau pour ce coup de cœur auquel je ne m’attendais pas !

Cette lecture me permet de valider une des catégories du Shiny Summer Challenge, « Faire feu de tout bois », dans le menu « Chaud et ardent », puisqu’il fallait lire un livre parlant de guerre, de bataille ou d’enjeu politique.

8 commentaires sur “[Coup de cœur lecture] Jacky Durand – Marguerite

  1. Une vraie belle surprise Isa! Comme quoi parfois il faut se laisser tenter.
    C’est vrai qu’on a écrit beaucoup de récits sur cette Histoire là, mais comme quoi tout n’a pas encore été dit, il reste encore des destins à tracer sur le papier.
    Tu m’as donné très envie de le lire.
    Merci et douce fin de journée à toi.

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  2. Il y a des rencontres dues au hasard qui semblent faites pour nous. Ce roman semble en faire partie. Je ne connaissais pas ce titre, mais s’attarder sur le quotidien et l’humain dans une période inhumaine et mouvementée est un pari audacieux que l’auteur semble avoir parfaitement relevé.

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  3. J’avais lu « Le cahier des recettes » qui m’avait plu malgré la tristesse qui s’en dégageait – alors si je croise Marguerite au détour d’une librairie, j’agrandirai volontiers ma PAL (surtout que j’aime beaucoup cette période qui me rappelle les histoires de mes grand-mères).
    Merci !

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