Self-Love

J’aime mon indépendance mais j’ai aussi besoin des autres

IsaPernot AJMA Accepter ses contradictions Blog

J’ai toujours recherché et cultivé l’indépendance. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si je travaille en free-lance : mon sens de l’organisation et ma capacité à me gérer toute seule font partie des traits dominants de ma personnalité – et pourraient d’ailleurs me jouer des tours si je devais travailler en équipe.

Sur le plan affectif aussi, je valorise et recherche cette indépendance. Je sais bien que je n’ai besoin de personne pour me compléter, je suis un individu à part entière et mon compagnon et mes enfants ne sont – ou ne devraient être – que de magnifiques cadeaux que m’a offert la vie.

Mais la vérité, c’est que parfois, un peu trop souvent à mon goût, ces trois-là me manquent et je me sens seule. C’est d’ailleurs une drôle de situation que d’élever des enfants en garde alternée et de partager la vie d’un musicien qui est souvent absent. J’aime à penser que j’ai le meilleur des deux mondes, l’indépendance et la vie de famille, mais j’ai en réalité bien du mal à concilier l’une et l’autre.

Or, je m’en veux de ressentir ce manque et de ne pas toujours réussir à me réjouir de ces moments où mon temps n’appartient qu’à moi. (Alors que que j’en aurais rêvé quand les enfants étaient tout petits !) Ça m’énerve d’en souffrir au lieu d’en profiter, et ce sont cette colère et cette frustration qui me font du mal, bien plus que le manque et l’absence eux-mêmes.

Je suis épuisée à force de lutter contre un sentiment qui me fait honte et que j’estime contraire à ce que je devrais ressentir. J’ai beau savoir pourtant que le meilleur moyen d’accepter une émotion, c’est justement de la laisser passer sans chercher à la réprimer, je n’y arrive pas toujours et je mets le doigt dans un engrenage infernal : je m’accable de reproches et je cherche un moyen de neutraliser ou d’étouffer ce que je ressens mais je ne réussis qu’à plonger dans un tourbillon de pensées négatives obsessionnelles.

Je vais avoir 40 ans et pourtant j’ai l’impression d’être encore cette enfant/ado mal dans sa peau à qui l’on ne faisait jamais de compliments. Je sais que j’ai eu la chance malgré tout d’être très aimée ; mais ma mère, qui aimait tellement « réparer » les gens qu’elle en a fait son deuxième métier, trouvait toujours quelque chose à redire. Il y avait toujours quelque chose qui n’allait pas chez moi, un trait de caractère, un défaut qu’il fallait atténuer, corriger, voire éliminer. Ça partait, je crois, d’une bonne intention, elle faisait cela pour que, au bout du compte, je sois heureuse et épanouie. Mais, du coup, je n’ai jamais appris à accepter ma part d’ombre et les côtés moins reluisants de ma personnalité. Si tant est qu’il s’agisse bien d’un défaut !

Car, comme le dit si bien Allyson Dinneen sur son merveilleux compte Instagram @notesfromyourtherapist, « avoir besoin des autres est une composante basique de notre biologie humaine, à tel point qu’enseigner aux gens à ne pas avoir besoin d’autrui, c’est leur enseigner un traumatisme. Et l’outil principal de cet enseignement, c’est la honte. »

Dans un autre post, elle ajoute qu’elle ne voit pas pourquoi une personne ne pourrait pas être très indépendante tout en ayant besoin des autres, introvertie et extravertie, entêtée mais ayant envie qu’on l’aide, forte et décidée mais aussi effrayée et perplexe, intéressée et intéressante mais aussi ennuyée et ennuyeuse. Oui, oui, mille fois oui, nous sommes tou-te-s rempli-e-s de contradictions !

Mais ce qui m’a donné envie d’écrire ce billet, c’est son commentaire, en marge de cette liste : « Quand je vois quelqu’un qui juge et cherche à faire honte aux autres, je suis certaine d’avoir affaire à une personne qui n’a pas eu le droit d’être imparfaite, d’avoir des besoins ou d’être inconstante quand elle était enfant. »

Je crois qu’il est temps que je m’autorise cette imperfection, ces besoins et cette inconstance. Oui, parfois, dans ma jolie maison au milieu des vergers, je me sens seule, malgré mes plantes, mes livres, ma créativité et mon boulot. Oui, bien souvent, j’éprouve un sentiment de plénitude quand tous les gens que j’aime sont réunis sous notre toit. Mais je ne suis pas obligée d’en tirer un constat d’échec. Je ne suis pas obligée de répondre à la souffrance morale par des reproches, de la honte et de la frustration. Plutôt que de m’enfermer dans mes idées noires, je peux me dire, en me regardant dans la glace : « Même si je souffre de la solitude et même si je m’en veux de ne pas savourer davantage mon indépendance, je m’aime, je m’accepte et je me pardonne. » (Certains reconnaîtront peut-être l’une des phrases-clé de l’EFT, une technique que j’apprécie particulièrement.) 

Ce monde a terriblement besoin de douceur et de bienveillance et j’oublie un peu trop, malgré tout le chemin parcouru depuis les débuts de ce blog et même avant, que pour pouvoir offrir cette douceur et cette bienveillance à autrui, je dois d’abord me les offrir à moi-même.

Heureusement que l’Univers m’envoie des piqûres de rappel de temps en temps !

11 commentaires sur “J’aime mon indépendance mais j’ai aussi besoin des autres

  1. Bonjour Isa, ton texte m’a émue. Je suis certaine que beaucoup de monde se reconnaît dans ce que tu ressens. Moi la première. J’adore être seule, c’est vital pour moi, je ne sais pas pourquoi, peut-être parce que je suis sensible, que beaucoup de ce que je vois autour de moi me heurte (cette bêtise dont parlait Flaubert) et que j’ai besoin de me retrouver avec mes petits livres et mes jolis carnets pour rééquilibrer mon âme (disons le mot) avec de la beauté et de l’espérance. Je n’ai jamais voulu ça, mais j’ai toujours ressenti ce besoin, même enfant. Mes parents me le reprochaient et j’ai toujours cru que j’étais asociale (ce qui fait bien rire mes amis!) Mais je ne suis pas une anachorète et j’ai besoin de voir les gens que j’aime aussi. Je ne sais pas si c’est être imparfaite de vouloir être avec ses êtres chers et de souffrir de ne pas les voir plus souvent. Ce serait plus inquiétant si sans eux tu ne pouvais pas vivre du tout. Peut-être c’est simplement être humain? Je me souviens souvent de ce film avec Tom Hanks où, pour ne pas sombrer dans la folie, il se crée un compagnon (une noix de coco, je ne sais plus ). Je connais quelqu’un qui ne peut être seul, je connais quelqu’un d’autre qui ne peut être avec personne… Osciller dans un entre-deux entre adorer être seule et indépendante, et d’un côté mourir d’envie d’être avec ses amours… si l’aiguille parfois/souvent revient au milieu😁… c’est quand même mieux je trouve, c’est équilibré. Mais il reste la tristesse et ce sentiment de solitude… peut-être voir dans ces moments l’occasion rêvée de se faire du bien -non pas en commandant 15 canapés au télé shopping ou en se gavant de biscuits – mais en se le disant (puisqu’on est seul personne n’entendra ces compliments), en se l’écrivant, comme si une bonne copine surgissait soudain d’une lampe merveilleuse… et qu’elle soit pleine d’humour et de bienveillance.
    Ce qui m’émeut c’est de voir – ce que je reconnais chez moi – la promptitude à se fustiger, à vouloir être seule dans son coin la plus sainte des saintes, ou un lama tibétain ayant atteint le nirvâna, et souvent parce que dans son enfance on nous a fait comprendre – où on a cru que c’est ce qu’on exigeait de nous – que pour être aimés nous nous devions d’être sans peur et sans reproche… par des gens qui ressentaient eux-mêmes ceci de par leurs parents… ça me rend très triste. Comme tu le dis, il faut que cela cesse, et comme le dit si bien Fabrice Midal, lâche toi les baskets! Une chose est sûre, tu ne transmettras pas cela à tes enfants. J’ai lu une phrase de Montaigne qui m’a fait mourir de rire: « Mais nous sommes, je ne sais pourquoi, doubles en nous-mêmes »… le « je ne sais pourquoi », cette question en suspend, ça me fait rire parce que ça vaut tous les conseils. Acceptons d’être doubles! Revendiquons-le même ! Et vivons bien et vivons beau comme nous sommes avec nos noix de coco 🥥!

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    1. Montaigne a raison, et cette dualité me complique sérieusement la vie parfois ! Mais c’est bon de se dire qu’il y a plusieurs siècles, des philosophes se penchaient déjà sur la question…
      « Vivons bien et vivons beau comme nous sommes avec nos noix de coco », voilà encore une phrase magnifique que je vais garder précieusement dans un coin de ma tête, merci ! Et tu n’es pas la première à me parler de « Seul au monde », il faudrait vraiment que je prenne le temps de le voir, ce film ! Tu m’as donné envie, en tout cas 😉
      Comme toi, ce qui me rend triste, au fond, c’est que j’ai la possibilité d’interrompre cette « chaîne de la perfection », mais que ma mère n’a pas eu cette chance.
      Et sinon, comme j’aime ce passage où tu décris ce besoin de « rééquilibrer ton âme » ! A chaque fois tes commentaires me parlent et me font énormément de bien, merci ❤

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  2. Très beau billet dont j’aurais pu écrire une grande partie (mais moins bien).
    Et j’aime beaucoup ta conclusion, j’avais lu avec beaucoup de plaisir la biographie de la pianiste Hélene Grimaud et elle parlait de ça : s’autoriser à être multiple, contraire, bref unique.
    Je travaille aussi à m’autoriser des émotions négatives et même la colère que nie souvent car cette émotion a très mauvaise réputation mais en même temps elle peut être salutaire aussi .
    Je sens que ton billet va me trotter dans la tête !

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